Ma peinture est liée tout autant à un goût irrépressible de l'assemblage et de la collecte qu'à l'attrait du lointain : cueillir, saisir des morceaux d'instants dans des petits carnets, sur des feuillets libres, laisser fermenter cela jusqu'à ce que l'imaginaire jaillisse dans la magie d'inconscients assemblages.

Combien de terres lointaines, de cités anciennes, de sanctuaires ou de ports faut-il avoir croisés, combien de visages, de processions et de fétiches faut-il avoir rencontrés, d'encens respirés avant que tout cela se cristallise en agencements insoupçonnés ?

Face à l'esthétique du dépouillement, je choisis de figurer la densité, la plénitude, les spasmes des foules, la longue transhumance des peuples polychromes, le grand cirque de la vie avec son lot de farces et sa piste ronde au centre de laquelle parade un immense pachyderme en équilibre précaire.

Le tableau traversé de souffles vitaux propose en somme un défi enivrant : représenter une pensée en action, peindre un monde multiple en vision panoramique, donner l'illusion d'embrasser le grand tout.

La peinture dévoile l'autre côté du réel, cet ailleurs longuement désiré, elle révèle le besoin vital de "se" parcourir comme on le ferait d’un pays, de voyager en soi.

Christophe Ronel